Coordination SUD exprime sa consternation suite à la récente déclaration d’Emmanuel Macron montrant du doigt les ONG qui feraient « le jeu des passeurs » dans une lettre ouverte signée par un collectif de 68 représentant.e.s d’associations de solidarité internationale et de défense des droits humains.
Monsieur le Président,
Le 26 juin, vous avez notamment déclaré, à propos des ONG qui sauvent en mer des migrants, qu’elles « font le jeu des passeurs ». Nos organisations, et l’ensemble de la communauté des ONG françaises, nos 250.000 militants bénévoles, salariés et volontaires, et les millions de citoyens qui soutiennent nos actions, ont été heurtés par vos propos.
Monsieur le Président, le premier rôle d’une ONG humanitaire est de sauver toute vie lorsque celle-ci est en péril, sans aucune distinction et cela ne peut se négocier. La solidarité ne se divise pas. Elle ne peut sélectionner les personnes auxquelles elle se doit de porter secours. Ou alors, ce n’est plus de la solidarité.
C’est en revanche le rôle des États d’assurer des voies légales et sûres pour la migration et l’accueil des personnes en danger. C’est le rôle de notre pays que de continuer à porter une parole courageuse en faveur des réfugiés. C’est le rôle de notre pays enfin que de porter une voix généreuse et solidaire.
Et nul ne peut faire porter sur les ONG la responsabilité des échecs tragiques de la communauté internationale à rétablir la paix au Moyen Orient ou en Afrique. Nul ne peut faire porter aux ONG la responsabilité de la pauvreté endémique qui continue de miner des territoires entiers en Afrique subsaharienne ou l’accroissement abyssal des inégalités partout dans le monde y compris dans nos territoires. Les ONG ne sont pas responsables du volume scandaleux de l’évasion fiscale qui mine le développement de nombre de pays. Elles ne sont pas plus responsables de l’accroissement du réchauffement climatique qui met sur les routes de l’exil forcé nombre d’hommes et de femmes dont les territoires de vie deviennent proprement invivables.
Monsieur le Président, nos organisations militent et agissent au quotidien et dans des conditions de plus en plus difficiles, pour apporter assistance aux personnes en danger, pour tisser des liens de solidarité et de coopération entre nos territoires et des territoires du monde. Elles portent et appellent sans cesse à la responsabilité collective pour réduire les inégalités et la pauvreté, engager les transitions écologiques et démocratiques nécessaires et investir dans le dialogue entre les peuples. Ces actions permettent le plus souvent de réduire les fractures, d’apaiser les tensions, de faire renaitre l’espoir et de contribuer à la paix au moment où les discours de haine, de peur et de défiance envahissent les relations internationales.
Nous sommes entrés depuis quelques années dans un contexte européen et mondial qui voit, mois après mois, le basculement de pays lointains et bien plus proches vers des régimes de plus en plus autoritaires et liberticides. Dans un nombre croissant de pays, tous les jours des lois sont votées, des directives données pour réduire la liberté de parole de la société civile, pour restreindre le droit d’association, voire pour criminaliser tout engagement associatif. Ainsi le recul des droits humains s’accentue et celui de la capacité à s’en indigner régresse tout autant. Chaque pouce perdu sur ce terrain est un revers pour tout ce qui a fait notre histoire et pour les valeurs qui fondent nos propres institutions.
C’est une lame de fond qui nous alerte au plus haut point, et oblige tous les démocrates convaincus que l’heure désormais doit être à la résistance et à la fermeté sur le terrain des droits humains et de l’aide humanitaire parce que c’est un impératif consubstantiel de ce que sont nos sociétés. La France peut et doit porter cette voix dans le monde, et éviter d’ajouter par des déclarations intempestives, de la confusion à la confusion. Faute de quoi, cette tendance risque également de nous emporter.
Monsieur le Président, nos causes sont justes et attendent de vous un soutien sans ambiguïté, plein et entier.
Signataires :
Acting For Life Bertrand Lebel, directeur
Action Contre la Faim Thomas Ribémont, président
Action Contre la Faim Véronique Andrieux, directrice générale
Action Santé Mondiale Patrick Bertrand, directeur
Action-Aid France Birthe Pedersen, présidente
ADTTF Abdoulaye Bah, président
Agrisud International Yvonnick Huet, directeur
Agronomes et Vétérinaires sans Frontières – AVSF Frédéric Apollin, directeur
Aide et Action France-Europe Charles-Emmanuel Ballanger, directeur
AIDES Aurélien Beaucamp, président
ASAH Yves Knipper, directeur
Asmae-Association sœur Emmanuelle Alain Barrau, président
Asti Christian Bulot, bénévole
Avocats Sans Frontières France Vincent Fillola, co-président
C4D Sophie Nick, directrice
CARE France Philippe Lévêque, directeur
cartONG Charlotte Pierrat, présidente
CCFD-Terre Solidaire Benoît Faucheux, délégué général
CIEDEL Catherine Delhaye, directrice
CNAJEP François Mandil, président
Collectif des associations citoyennes (CAC) Jean Claude Boual, président
Comede Didier Fassin, président
Comité d’Accueil 72 Amélie Polachowska, membre
Comité Français pour la Solidarité Internationale Yves Le Bars, président
Commerce Equitable France Julie Stoll, déléguée générale
Coordination Humanitaire et Développement Xavier Boutin et Thierry Mauricet, co-présidents
Coordination SUD Philippe Jahshan, président
CRID Emmanuel Poilane, président
ECPAT France Emilie Vallat, directrice
Electriciens sans frontières Hervé Gouyet, président
Entraide Médicale Internationale, EMI Alain Roussel, président délégué
Etudiants et Développement Vincent Pradier, délégué général
Fédération Artisans du Monde Anne Chassaing et Daniel Beauchêne, coprésident-e-s
Fondation Danielle Mitterrand France Libertés Emmanuel Poilane, directeur général
Fondation GoodPlanet Henri Landes, directeur général
Forim Thierno Camara, président
Frères des Hommes Bernard Cabut, membre du Conseil d’administration
Frères des Hommes Luc Michelon, président
GERES (Groupe Energie Renouvelable Environnement et Solidarité) Laurence Tommasino, déléguée générale
Gevalor Jean-Michel Royer, président
Grandir dignement Hélène Muller, directrice
GREF Agnès Riffonneau, présidente
Gret – Professionnels du développement solidaire Olivier Bruyeron, directeur
Groupe initiatives Pierre Jacquemot, président
Habitat-Cité Annabella Orange, directrice
Handicap international/humanité et inclusion Manuel Patrouillard, directeur général
IECD Tobias Hartig, directeur
Ingénieurs sans frontières Sébastien Gondron, président
La Chaîne de l’Espoir Jean-Roch Serra, directeur général
Ligue des droits de l’Homme Malik Salemkour, président
Maison des Citoyens du Monde de Loire-Atlantique Jean-Clair Michel, président
Medair France Annick Balocco, directrice
Médecins du Monde Françoise Sivignon, ancienne présidente et membre du Conseil d’administration
Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples – MRAP Jean-François Quantin, co-président
OXFAM France Cécile Duflot, directrice
Partage Nicolas Lenssens, directeur général
Peuples Solidaires – Action Aid (groupe Le mans-la Suze) Patrick Brossard, président
Plateforme d’Associations Franco-Haitïennes Jimitry Annexile, chargé de missions
Première Urgence Internationale Thierry Mauricet, directeur général
RITIMO Danielle Moreau, co-présidente
Secours Islamique France Rachid Lahlou, président
Sherpa Sandra Cossart, directrice
Sidaction Florence Thune, directrice générale
Solidarité Laïque Roland Biache, délégué général
Solidarités International Alexandre Giraud, directeur général
SOLTHIS Louis Pizarro, directeur général
SOS Villages d’Enfants Isabelle Moret, directrice générale
SOS Villages d’enfants France Gilles Paillard, directeur général
Vision du Monde Camille des Boscs, directrice générale
>> Sauvetage des migrants en mer : lettre ouverte à Emmanuel Macron sur le rôle des ONG